Le 25 novembre en France nous fêtons Sainte Catherine. Portant également ce prénom, de ce que je peux me souvenir, cette journée a toujours été ma journée, comme un deuxième anniversaire si vous voulez, avec des appels, des messages et même des cartes postales (il y a très trèèèès longtemps). Et il m'est bien sûr impossible d'oublier cette belle tradition que ma grand-mère paternelle avait ce jour-là. Quand je rentrais de l'école, je pouvais être sûre de trouver à ma place un petit vase avec des roses de Noël. Les roses de Noël, aussi appelées “helleborus niger”, sont peut-être les dernières fleurs à fleurir si tardivement dans la saison. Cependant, même si j'adorais être le centre de l'attention ce jour-là, je n'aimais pas trop la symbolique de Sainte Catherine, patronne des vieilles filles... Jusqu'à il y a peu de temps...
Dans cet article:
Nous en apprendrons un peu plus sur Sainte Catherine, sur sa vie et comment elle fut associée aux vieilles filles, ou du moins, aux femmes ne désirant pas se marier.
Nous parlerons des traditions liées à Sainte Catherine et notamment, celle de créer et porter un chapeau vert et jaune pour "coiffer Sainte Catherine" et les "Catherinettes".
Nous découvrirons comment Sainte Catherine devint la patronne des couturières, des petites mains de la Haute Couture française.
Et nous verrons ce que les maisons de luxe font pour célébrer non seulement Sainte Catherine mais aussi leurs petites mains le 25 novembre.
Pour être honnête, quand j'étais gamine, le fait de m'appeler Catherine était pour moi plus une malédiction qu'autre chose. Je n'aimais pas mon prénom. Je le trouvais difficile à prononcer, pas romantique, pas poétique, ringard, vieillot et associé à des figures historiques, comme Catherine de Médicis et Catherine la Grande de Russie, qui ne me faisaient pas rêver à l'époque. Je n'aimais pas les qualités, ou plutôt l'absence de qualités, liées au prénom "Catherine" dans les livres de prénoms pour enfants. Et, par-dessus tout, je n'arrivais pas à comprendre comment on pouvait donner à un enfant le prénom d'une sainte qui était la patronne des vieilles filles, me destinant de cette façon à ne jamais rencontrer l'amour avec un grand "A" et à ne jamais me marier! C'était trop injuste!
Et puis j'ai grandi, j'ai commencé à apprendre le russe, j'ai déménagé à Moscou où le prénom “Ekaterina” était beaucoup plus courant, perçu comment un beau prénom, un prénom fort. J'ai commencé à apprécier mon prénom. Et, l'étude de la vie des figures historiques mentionnées un peu plus haut, m'a permis de revoir mes premières impressions.
Puis, après mon retour en France, j'ai aussi découvert que Sainte Catherine n'était non seulement la patronne des vieilles filles, mais également celle des couturières. Travaillant dans le monde de la mode, cette association prenait tout son sens et j'ai décidé d'en apprendre un peu plus sur le lien entre Sainte Catherine, l'industrie de la mode et les couturières...
A l'origine ce sujet était prévu comme thème d'un épisode de My Fashion Stories Box Podcast pour ce mois de novembre. Mais, novembre ne s'était pas déroulé comme prévu, et voulant quand même traiter ce sujet, je me suis dis que j'allais écrire un article à la place. Et, peut-être que l'année prochaine, cet article fera l'objet d'un épisode complet 🙂
Qui était Sainte Catherine?
Le prénom “Catherine” prend ses racines dans le nom grec “katharos”, qui signifie“pur”. Catherine est née en Egypte à la fin du 3ème siècle après J.C. On dit d'elle qu'elle avait une forte personnalité et une grande érudition. Elle s'était convertie au christianisme et proclamait que le seul mariage qu'elle aurait sera celui avec Jésus. Elle était surnommée "la fiancée du Christ".
A cette époque, l'Egypte était sous le joug de l'Empire Romain. L'Empire Romain n'avait pas été encore converti et les Empereurs se faisaient un malin plaisir à chasser les premiers Chrétiens pour les massacrer.
L'Empereur Romain Maxence ne faisait pas exception. Ayant entendu parler de Catherine, qui était aussi renommée pour sa beauté, il s'est mis en tête de lui faire renier sa religion et de l'épouser... Pauvre fou! Si seulement il avait su... On ne peut pas forcer une Catherine à faire quelque-chose qu'elle a décidé qu'elle ne ferait pas...
Catherine s'est mise au défi de convertir l'empereur, a tenu tête aux philosophes et savants (souvenez-vous, elle était intelligente) et a même réussi à en convertir quelques-uns au passage. L'Empereur Maxence ne l'a pas très bien pris, comme vous pouvez l'imaginer, et a décidé qu'il en avait assez. Il fit arrêter Catherine et la soumit au supplice de la roue. Mais la roue se cassa et Catherine survécut. Que de rebondissements! Elle a finalement été décapitée le 25 novembre 310, d'après la légende.
Elle est devenue une martyre et une sainte pour avoir refusé de renier sa religion et pour être restée pure.
Elle est célébrée le 25 novembre depuis le 10ème siècle après J.C et son culte était très populaire pendant le Moyen Age. Sainte Catherine représentait la pureté, l'intelligence et le dévouement. Les jeunes femmes désireuses de se marier la priaient pour trouver un bon mari.
Si jamais vous vous demandez comment vous pourriez reconnaitre Sainte Catherine dans les peintures ou vitraux la prochaine fois que vous visiterez une église, voici quelques éléments qui pourront vous aider. Sainte Catherine est généralement représentée avec une roue, faisant référence à la torture qu'elle a subie. Elle a une auréole blanche, symbolisant la virginité, une auréole verte, symbolisant la connaissance, et une auréole rouge, l'auréole des martyres.

Sainte Catherine est aussi considérée comme la patronne des philosophes.
Les “Catherinettes” et “coiffer Sainte Catherine” pour trouver un mari
Comme nous venons de le voir, suite à son refus de se marier à un empereur romain, Sainte Catherine a été associée avec les vieilles files, avec les femmes cherchant un mari. A ce sujet, différentes traditions vont apparaître durant le Moyen Age jusqu'aux années 70, du moins en France.
La tradition que je connaissais avant de travailler sur cet article, est la tradition du chapeau. Quand une femme était toujours célibataire à 25 ans, le jour de la Sainte Catherine, elle devait porter un chapeau, qu'elle réalisait elle-même ou fait par d'autres personnes. Ce chapeau devait contenir du vert et du jaune, le vert symbolisant la jeunesse et l'espoir, l'espoir de trouver un mari, et le jaune symbolisant la sagesse que l'on gagne avec les années. Ce chapeau allait communiquer de façon visuelle, non verbale, la disponibilité de cette jeune femme à se marier. Les chapeaux devaient être excentriques et originaux au possible afin de vraiment séparer les femmes prêtes à se marier des femmes déjà mariées.
Ensuite, la jeune femme se rendait à l'église et décorait la statue de Sainte Catherine avec des fleurs, des rubans, des chapeaux. D'où l'expression "coiffer Sainte Catherine".
Les femmes célibataires de 25 ans et plus étaient aussi surnommées “Catherinette” (petite Catherine).
Je me souviens d'avoir célébré la Sainte Catherine à Moscou quand j'avais 25 ans avec une autre amie célibataire. Nous avions créé pour l'autre un chapeau avec les couleurs requises que nous avions portés pour aller au restaurant avec d'autres amis. Celui que j'avais était basé sur le bonnet en laine que les gens portent pour aller au bania, les bains russes, et celui que j'avais fait était à partir d'un képi pour femme de l'armée soviétique, décoré avec des rubans jaune et vert. Ou alors c'était peut-être le contraire...
La deuxième tradition que j'ai apprise pour la préparation de cet article est la tradition de l'épingle. Cette tradition sonne un peu bizarre pour moi car, vous allez le voir, c'est une tradition qui est associée avec un autre saint dans mon village...
Mais revenons à Sainte Catherine et l'épingle. Quand une femme célébrait ses 25 ans et qu'elle était toujours célibataire, elle allait enfoncer une épingle dans la statue de Sainte Catherine. De cette manière, elle montrait qu'elle quittait le groupe des femmes à marier. Si elle n'était toujours pas mariée à 30 ans, elle allait piquer une deuxième épingle. Et, si elle était toujours célibataire à 35 ans, elle allait piquer une troisième épingle, et était désormais considérée comme une vieille fille, sans espoir de se marier un jour.
La tradition de l'aiguille que je connais est aussi liée avec la recherche d'un mari mais elle n'est pas liée avec Sainte Catherine. Cette tradition est liée avec Saint Christophe. Dans le village où j'habite, il y a une église dédiée à Saint Christophe. Quand vous entrez dans cette église, la première chose que vous voyez est cette statue massive du saint avec sa cane. Si vous vous approchez, vous remarquerez les innombrables piqûres que cette statue a aux genoux. Selon la tradition, si une femme voulait trouver un mari dans l'année, il fallait qu'elle aille piquer les genoux de Saint Christophe avec une aiguille. Il n'y avait pas de limites d'âge par contre. Cette tradition était tellement pratiquée que la statue du saint a dû être protégée pour éviter sa détérioration...

Des vieilles filles aux couturières...
Mais comment donc Sainte Catherine est-elle passée de la patronne des vieilles filles à celle des couturières?!
Entre le Moyen Age et maintenant les mentalités ont changé et le rôle de la femme ne s'est plus limité à celui de femme et de mère. Avec la Révolution Industrielle du 19ème siècle, de plus en plus de femmes sont allées travailler dans les usines. En travaillant, les femmes ont gagné leur indépendance financière et n'ont plus eu besoin d'avoir un mari pour les entretenir. L'industrie de la mode était l'industrie dans laquelle on trouvait le plus de femmes. Elles étaient les petites mains derrière les créations luxueuses de la Maison Worth, Jeanne Paquin, Jeanne Lanvin, Paul Poiret…
D'ici les années 20, Sainte Catherine était célébrée comme la patronne des couturières, les petites mains des maisons de luxe parisiennes, qui contribuaient, dans l'ombre, au succès de ces marques.
Sainte Catherine n'était plus associée aux filles célibataires, aux vieilles filles, à ces femmes non mariées inutiles à la société car incapables de faire ce qu'on attendait d'elles: être mariée et avoir des enfants.
Sainte Catherine était maintenant associée à la liberté et à l'indépendance des hommes. Sainte Catherine, la première féministe! Un point de vue que je partage avec Anne Monjaret, directrice de recherches et ethnologue au CNRS-EHESS et auteure de différents ouvrages sur le culte de Sainte Catherine, dans un article publié récemment dans le journal Le Télégramme.
Sainte Catherine et le luxe
Sainte Catherine est désormais de moins en moins associée aux femmes célibataires et de plus en plus associée à la célébration de la créativité et du travail des petites mains de l'industrie du luxe.
La tradition du chapeau avec son jaune et son vert est toujours présente. Vous "coifferez toujours Sainte Catherine" mais vous le ferez pour encourager la créativité. Des concours sont organisés, des défilés aussi. Les maisons de haute couture organisent des fêtes dans leurs ateliers.
Avant le Covid 19, les maisons de luxe parisiennes, comme Chanel, Hermès, Jean Paul Gaultier ou Yves Saint Laurent, participaient à des défilés organisés par la Mairie de Paris pour célébrer le savoir-faire et la créativité de leurs petites mains. J'espère que cette tradition sera bientôt de retour!

Cette année, comme chaque année depuis la création de la maison, Dior a organisé une fête dans ses ateliers pour célébrer ses Catherinettes, comme vous pouvez le voir dans cette vidéo de Loïc Prigent:
Certaines écoles de mode ont aussi organisé des concours et des défilés pour entretenir la créativité et l'imagination de leurs étudiants.
La fête de Sainte Catherine fait partie du folklore français et est intimement liée avec les maisons de luxe françaises et leurs savoir-faire. J'espère que vous avez apprécié cet article et que vous en avez appris un peu plus sur les dessous des ateliers du luxe.
A bientôt!
Cath @MyMarketingToolbox
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